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    L'effondrement de la population indigène a plusieurs causes.

     

     

                 En premier lieu les véritables massacres auxquels se sont livrés les Espagnols. Nous sommes bien renseignés sur ces massacres grâce à Bartolomé de Las Casas. C'est un religieux espagnol qui fut envoyé en 1502 pour faire travailler des Amérindiens dans les mines d'or des îles d'Hispaniola et de Cuba. Témoin des souffrances infligées aux indigènes, il va oser prendre leur défense, s'élever contre la guerre cruelle qui leur est faite, plaider leur cause auprès du roi, continuer sans défaillance de dénoncer l'esclavage, d'affirmer que ce pays appartient aux Indiens, et pas aux Espagnols. Il se fait ainsi beaucoup d'ennemis. En 1542 il écrit une "très brève relation de la destruction des Indes" et voici comment il décrit la brutalité des Européens :

     

    " Ils entraient dans les villages, et ils ne laissaient ni enfants, ni vieillards, ni femmes enceintes ou accouchées qu'ils n'aient éventrées et mises en pièces, comme s'ils s'attaquaient  à des agneaux réfugiés dans leur bergerie.

     

     

     

    - Charlotte 18 -

     

     

     

     

    Ils faisaient des paris à qui ouvrirait un homme d'un coup de couteau, ou lui couperait la tête d'un coup de pique et mettrait ses entrailles à nu. Ils arrachaient les bébés qui tétaient leurs mères, les prenaient par les pieds et leur cognaient la tête contre les rochers. D'autres les lançaient dans les fleuves en riant et en plaisantant, et quand les enfants tombaient dans l'eau ils disaient : " Tu frétilles, espèce de drôle !".

    Ils embrochaient sur une épée des enfants avec leurs mères et tous ceux qui se trouvaient devant eux. Ils faisaient de longues potences ou les pieds touchaient presque terre et par groupe de treize ... ils y mettaient le feu et les brûlaient vifs. D'autres leur attachaient tout le corps dans de la paille sèche et y mettaient le feu : c'est ainsi qu'ils le brûlaient.

     

     

     

    - Charlotte 18 -

     

     

     

    A d'autres, à tous ceux qu'ils voulaient prendre en vie, ils coupaient les deux mains, et leurs mains pendaient, et ils leur disaient : " Allez porter les lettres", ce qui signifiait d'aller porter la nouvelle à ceux qui  s'étaient enfuis dans la forêt....

    Il a déjà été dit que les Espagnols des Indes ont des chiens très sauvages et très féroces, instruits et dressés pour tuer et déchiqueter les Indiens. Pour nourrir ces chiens, les Espagnols emmènent sur les chemins beaucoup d'indiens enchaînés, qui marchent comme des troupeaux de porcs. Les Espagnols en tuent et tiennent boucherie de chair humaine. Ils se disent les uns aux autres : "Prête-moi un quartier d'un de ces drôles pour donner à manger à mes chiens en attendant que j'en tue un autre", comme s'ils échangeaient des quartiers de porc ou de mouton."

    Toute résistance était impossible : " Chaque bataille était une boucherie, car on lâchait les chiens sauvages contre les fugitifs sans défense.

     

     

    La réaction des Arawaks va prendre alors d'autres formes.

     

    - Charlotte 18 -

     

    Estimant que l'on ne peut vivre que libres,  disent : " Nous préférons mourir libres plutôt que de travailler comme vos esclaves. "

     

    Alors certains se suicident,

     

    - Charlotte 18 -

     

    des femmes tuent leurs enfants avant de se donner la mort, d'autres refusent de s'alimenter.

     

     

    Une autre cause de l'effondrement catastrophique de la population est la famine. Avant l'arrivée des colonisateurs, les Antilles regorgeaient de nourriture, de poissons, de fruits. Mais les travaux forcés ont eu pour conséquence le délaissement des récoltes et des cultures, ainsi que de l'anéantissement des réserves alimentaires. Et s'il reste quelques parcelles ici où là, elles sont dévastées par les gros animaux que les conquérants ont importés, car les Espagnols, n'appréciant pas les aliments locaux, ont fait venir des boeufs et des porcs. Ces animaux ont divagué dans les plaines, se sont multipliés, et sont devenus un fléau pour les dernières cultures.

    Le travail lui-même tue beaucoup de gens, spécialement dans les mines où il est très pénible. Les morts ne sont pas retirés et les Indiens qui travaillent doivent enjamber les cadavres. La puanteur est insoutenable.

    Il y a en plus beaucoup de maladies infectieuses qui vont se développer, favorisées par l'épuisement des corps. 

     

    Tout cela continuellement couvert par la croix de Notre doux Jésus ! Le sauveur du monde....

     

     

    - Charlotte 18 -

     

     

    Quel est le premier bilan concernant l'or ?

    Et bien les espagnols ont d'abord amassé un butin considérable. L'apogée de la production des mines d'or se situe vers 1510.

    Mais peu à peu ce "commerce" va voir sa rentabilité décroître. D'abord par la baisse des rendements dans les mines, et il faut bien admettre qu'elles sont en train de s'épuiser. Aussi par la baisse du nombre des travailleurs, qu'il faut sans cesse remplacer. De nouvelles expéditions sont organisées dans des régions encore peuplées. En 1509 on opère de véritables razzias d'indiens dans les îles Bahamas. Si dans les plus grandes îles, des Arawaks réussissent à s'enfuir et à se cacher dans les montagnes, dans les petites îles aucune fuite n'est possible, aussi vont-elles être complètement dépeuplées en moins de dix ans. D'autres raids esclavagistes sont menés sur les côtes du Vénézuéla, mais cette chasse aux indiens reste insuffisante pour combler les vides.

    En 1510, sur une grande île comme Hispaniola, on estime qu'il ne reste pas plus de 250 à 500 Arawaks !    

    Et puis il y a un autre problème.

    En 1594 le pape a décidé du "partage du monde" entre deux seules puissances coloniales, L'Espagne et le Portugal. C'est le "traité de Tordésillas". L'Amérique du Nord est attribuée à l'Espagne, le Brésil au Portugal. Les autres puissances européennes, Angleterre, France, Pays-Bas, Danemark, protestent ... en vain.    

    Mais elles vont tourner cet interdit pour profiter elles aussi des richesses du nouveau monde en ayant recours à la piraterie : elles vont armer des corsaires (comme Francis Drake !) et favoriser les pirates agissant pour leur propre compte. Tous ces aventuriers vont se cacher dans les petites îles (comme par exemple les îles Vierges) ou l'île de la Tortue, et attendre l'occasion favorable de bondir sur les galions espagnols  dans lesquels l'or est emmené en Espagne. Le bilan de ces attaques est souvent considérable, parfois plusieurs tonnes d'or.

     

     

    Une évidence s'impose alors aux Espagnols : il faut abandonner les mines d'or et trouver autre chose.

    Ils vont trouver.

    Voulez-vous savoir quoi ?

     

     

     

     

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    C'était le 12 octobre 1492.

    Christophe Colomb était parti depuis un mois après avoir quitter les îles Canaries en direction de l'Ouest, empruntant pour la première fois le chemin des Alizées (lesquels effrayèrent ses marins par leur régularité, car ils pensèrent qu'ils ne parviendraient jamais à "remonter" un tel vent !).

    Il était à la tête de trois bateaux, somme toute des petits bateaux : 

    La Santa Maria, le bateau amiral, une "nef",

    et deux caravelles, bateaux plus légers : la Pinta, et la Nina.

     

     

     

     

     

    Ils abordent dans une des îles Bahamas

    (laquelle sera plus tard appelée " San Salvador "). 

    Que croyez-vous qu'il arriva ? 

    Et bien les habitants de ces îles, étonnés de voir ces étranges navires et fous de joie, se sont précipités, en se jetant à l'eau, pour mieux accueillir ces visiteurs, tout en leur apportant le plus possible de cadeaux. Il suffit pour en être sûr de lire ce que Christophe Colomb a lui-même écrit pour immortaliser cette extraordinaire rencontre : 

    " Ils nous apportèrent des perroquets, des ballots de coton, des javelots et bien d'autres choses, qu'ils échangèrent contre des perles de verre et des grelots. Ils échangèrent de bon coeur tout ce qu'ils possédaient. Ils étaient bien bâtis avec des corps harmonieux et des visages gracieux .......

    Ils ne portent pas d'armes, et ne les connaissent d'ailleurs pas, car lorsque je leur ai montré une épée, ils la prirent par la lame et se coupèrent, par ignorance. Ils ne connaissent pas le fer. Leurs javelots sont faits de roseaux. "

    Mais écoutez bien ce qu'il ose écrire aussitôt :

     

    " Ils feraient de bons serviteurs. Avec cinquante hommes, on pourrait les asservir tous et leur faire faire tout ce qu'on veut ".

     

    Vous avez bien entendu : il ose dire, à propos de ces gens qui viennent à lui sans méfiance, qui apportent aux marins de l'eau puisée dans les meilleurs de leurs puits, et qu'ils ont eux-mêmes remplis, et de la nourriture de toute sorte, et des fruits à profusion et autant de cadeaux qu'ils peuvent,  il ose dire : " On pourrait les asservir tous ". Oui, c'est bien en esclavagiste qu'il était venu ici. Et pour s'emparer par la force de toutes les richesses qu'il allait rencontrer, l'or en tout premier.

    Il fait déjà les premiers pas dans ce sens :

    " Je m'emparai par la force de quelques indigènes afin qu'ils puissent me donner des renseignements sur tout ce que l'on pourrait trouver dans ces régions ".

    Et de fait on va lui expliquer où se situent les îles où se trouve de l'or : Cuba,  Haiti. Il va s'y rendre aussitôt, au cours donc de ce premier voyage.  Mais il est trop tôt encore pour en faire plus. Car il ne dispose, avec l'équipage  de ses trois bateaux, que de 87 hommes ...

    Ce n'était qu'un voyage d'exploration.

    Il retourne très vite en Espagne, en Mars 1493.

    Mais dès le 25 septembre 1493, il repart à la tête d'une nouvelle flotte.  Cette fois c'est une vraie petite armada, un outil de guerre. : 

    Songez plutôt : pas moins de 17 gros navires, plus hauts que des maisons, qui arrivent avec 1.500 hommes !

     

     

     

     

     

     

    Il ne vient plus désormais pour recevoir de gentils cadeaux, mais pour s'emparer d'un territoire. 

    Ce sont bien cette fois les "conquistadores " !

    Christophe Colomb a maintenant la haute main sur toutes les grandes Antilles. Et la machine inhumaine qu'il va mettre en route ne s'arrêtera jamais. Rien ne pourra plus désormais la ralentir.

    Le temps des catastrophes a débuté.

     

    La priorité absolue, c'est l'or. Celui que possèdent les indigènes est aussitôt confisqué. Mais il y en a en abondance, dit-on, dans le lit des rivières et dans les entrailles de la terre. Il suffit d'aller le chercher. Mais pour cela il faut des bras. Ceux des "indiens" feront l'affaire mais tout le monde doit se mettre au travail.

    Les "indiens" cette fois ne l'entendent pas ainsi. Ils ont d'autres choses à faire. Ils sont libres et veulent le rester.

    La réplique des conquistadors est immédiate et brutale : des hommes sont torturés, des femmes violées, des enfants massacrés, des groupes entiers déportés. Alors la population, terrorisée, se soumet. Des gens sont mis à l'orpaillage, d'autres envoyés dans des mines. Il faut creuser, creuser sans cesse.

    Et pour commencer le résultat est très positif : on trouve beaucoup d'or. C'était donc bien vrai : ces grandes îles sont remplies d'or : il suffit de le prendre. Et on envoie tout ce butin en Espagne.

    La fièvre de l'or  qui s'est emparé de Christophe Colomb atteint son paroxysme. Il veut de plus en plus de travail. Il lui faut donc de plus en plus d'esclaves. Une véritable " chasse à l'indien " va s'organiser.

     

     

     

     

    - Charlotte 17 -

     

     

     

    Mais un phénomène imprévu va entraver le fonctionnement de cette belle machine.  C'est la disparition rapide de la population Arawak. Un véritable effondrement qui a plusieurs causes.

     

     

     

     ***

     

     


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    La première période que nous avions passé ici avait été mouvementée, mais également pleine d'imprévus. Découverte des lieux, de la flore, des animaux marins, des variations de la météo. Ou nécessité de faire face de toute urgence à une situation nouvelle.

    Bref, rien pour s'ennuyer. Il n'en avait pas été de même de la longue période qui débuta avec l'abattage de ce grand arbre car nous fûmes là engagés dans un travail consistant en la répétition indéfinie des mêmes gestes, alors que nous ne percevions qu'à peine les changements qu'il produisait, au point parfois de nous désespérer. 

    Oui, une bien longue période.  

    Nous pensions entreprendre notre voyage de retour en janvier, le premier mois de la période sèche. Or nous étions déjà à la mi-janvier et notre canoë n'était même pas achevé.

     

    Mais ce fut aussi l'occasion, en particulier pour moi, de commencer des lectures en piochant dans la "bibliothèque" ! Or il y avait des livres sur l'histoire des Antilles. Et Charlotte savait bien ce que je lisais. Mais je n'en parlais jamais, si bien qu'une sorte de gêne s'installa entre nous deux, une sorte de brouillard fait d'un "non-dit" ...

     

    La pire des choses entre les êtres.

     

    Un matin, à la reprise de "notre chantier", Charlotte me posa une question en apparence banale, mais qui était un piège : " Savez-vous au juste à quelle date on a découvert l'Amérique ? ".

    Et moi, sans me douter de rien, je répondis : " En 1492 ".

    Charlotte n'attendait précisément que cela pour me montrer l'absurdité de ma réponse, et même son caractère insultant.

    "Mais en disant cela, vous rendez-vous compte que vous niez notre propre existence ? Cela laisse penser que vous, les européens, avez découvert une terre non encore habitée par d'autres humains. Alors que des peuples y vivaient depuis plusieurs millénaires et avaient élaboré des civilisations qui méritaient le respect ? Il est vrai que vous avez tout de suite pensé que nous n'avions pas d'âme."

     

    Ainsi commença un long récit de ce que fut la soi disante "découverte de l'Amérique" et de son asservissement. Qui fit ce récit ?

    Charlotte sans doute, mais pas seulement : Sophie aussi, et moi aussi. En fait nous sommes comme entrés là dans une sorte de rêve commun qui s'hybridait curieusement avec notre travail de termites grignotantes de bois et ... un peu délirantes.

     

     

     

    - Charlotte 16 -

     

     

     

    Un rêve qui, vous allez le voir, s'est peu à peu transformé pour moi en cauchemar.

    Je vais essayer de vous le raconter d'un façon aussi objective que possible, ce qui ne va pas m'être facile, car je dois vous dire qu'à cette époque encore, et ce depuis ma petite enfance, j'étais fier de "l'empire colonial" que  "possédait"  la France, et tellement heureux de contempler ces nombreuses régions de la mappemonde teintées de rose. Et oui, tout cela était "nos colonies". Et les murs de l'école primaire, tout tapissés de ces grandes et glorieuses cartes, étaient  encore en moi comme ceux d'un tabernacle sacré.

    Il est vrai que la perte de l'Indochine, puis de l'Algérie, avait sérieusement amputé cette belle certitude,

    mais enfin ... il restait les Antilles !

     

     

     

    - Charlotte 16 -

     

     

     

    Durant la nuit qui suivi ce jour là, me revint en force la belle poésie de José-Maria de Heredia : " Les conquérants" qui m'avait jusqu'à ce jour enchanté, porté sur ses ailes vers l'infini du monde :

     

    Comme un vol de gerfauts hors du charnier natal
    Fatigués de porter leurs misères hautaines,
    De Palos de Moguer, routiers et capitaines
    Partaient, ivres d’un rêve héroïque et brutal.

    Ils allaient conquérir le fabuleux métal
    Que Cipango mûrit dans ses mines lointaines,
    Et les vents alizés inclinaient leurs antennes
    Aux bords mystérieux du monde Occidental.

    Chaque soir, espérant des lendemains épiques,
    L’azur phosphorescent de la mer des Tropiques
    Enchantait leur sommeil d’un mirage doré ;

    Ou penchés à l’avant des blanches caravelles,
    Ils regardaient monter en un ciel ignoré
    Du fond de l’Océan des étoiles nouvelles.

     

    J'allais bientôt découvrir ce que cachaient ces phrases embaumées, si admirablement ciselées, telles que :

    Un vol de gerfauts ... de redoutables prédateurs ...

    routiers et capitaines, ivres d'un rêve.. brutal

    un sommeil enchanté par le mirage de l'or........

     

     

     

    - Charlotte 16 -

     

     

     

    ***

     


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    Ce ne fut que le troisième jour que l'arbre accepta de se coucher. 

    Vaincu  ? Oh pas encore ! La bataille ne faisait que commencer, et allait se poursuivre encore des jours et des jours, et bien plus longtemps que nous ne l'imaginions. Il fallut d'abord élaguer l'arbre, puis le couper afin de délimiter la portion du tronc de laquelle nous allions extraire notre "navire".

    Mais que fallait-il faire ?

    Réaliser une coque la plus fine possible, afin qu'elle soit aussi la plus légère possible, mais toutefois garder une épaisseur suffisante de bois pour que l'embarcation soit solide.

    Et dans toutes ces opérations nous avons encore utilisé l'action du feu, qui d'une certaine façon est magique, mais d'un autre point de vue désespérément lente.

    Oh comme il est facile d'imaginer les actions à accomplir, et de les représenter dans un dessin, en délimitant les zones de bois à supprimer par des hachures, mais comme il est long ensuite de réaliser les gestes nécessaires !

     

     

    - Charlotte 15 -

     

     

    Car la chair même de l'arbre, toute gorgée d'une sève abondante, se défend fibre par fibre, et étouffe les coups portés par le métal. Nous nous étions lancés là dans une aventure simplement imaginée, mais dont nous ne connaissions pas le tempo. 

    Et souvent l'un de nous trois, oui, il faut le dire, défaillait, se trouvait comme vidé de toute son énergie, de tout espoir de mener à bien l'action que nous avions cru facilement pouvoir réaliser.

    Il faut dire que, devant la lenteur extrême de notre avancée, nous avions souvent l'impression de n'être que trois petits insectes qui se seraient mis dans la tête de construire une cathédrale. 

    Ce fut une chance pour nous d'être trois, car à chaque fois les deux autres venaient entourer le défaillant de tendresse, et le rechargeaient d'énergie vitale. Est-ce là quelque chose d'exceptionnel, ou de tout à fait ordinaire ?

    D'ordinaire, je crois maintenant. C'est comme si l'être humain, par nature, n'était pas capable de stocker en lui assez d'énergie pour faire face à toutes les situations. Il n'y a plus alors qu'une solution : recevoir chaque fois que nécessaire cette énergie d'un tiers.

    Ou périr.

     

    Et cela me rappelle une expérience 100 fois répétée. C'était du temps bienheureux où j'avais des ruches. Souvent je trouvais des abeilles noyées. Mortes. Quel dommage ... Puis un jour m'est venue l'idée de mettre ces petits cadavres dans le creux de ma main, et de tenter de les réchauffer avec l'air venant de mes poumons. Ce souffle chaud les séchait assez vite. Et je pus alors assister à quelque chose qui me remplissait d'une grande joie. 

    L'abeille  bougeait une patte, puis une aile, puis ses antennes. Se redressait, essayait ses ailes .. et soudain s'envolait. Les premières fois, je n'en croyais pas mes yeux. Mais si, c'était bien vrai : l'abeille s'était envolée bien haut vers le ciel, en pleine lumière !

     

     

    - Charlotte 15 -

     

     Cette obligation d'un échange nécessaire a peut-être fait la force (collective) de l'être humain, si faible par ailleurs.

    Mais qu'est-ce qui est échangé ?

    N'est pas cela que l'on appellerait l' Amour ? 

     

     

     

     

    - Charlotte 15 -- Charlotte 15 -- Charlotte 15 - 

     

     

     

     

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    Abattre un arbre en utilisant des outils modernes n'est plus vraiment un problème. Mais couper un arbre avec seulement une hachette, même de bonne qualité, c'est autre chose. Et si c'est un gros arbre il va falloir de nombreuses semaines et une invincible détermination. 

    Heureusement  il y a un vieille méthode qui est toujours utilisable, et c'est de brûler son tronc à la base. Il suffit de creuser un petit fossé tout autour du tronc, d'y allumer un feu et de l'y entretenir sans interruption. Ce que nous venons de faire autour du tronc de l'arbre à pain que nous avons choisi.

    Et je suis fasciné !

    Il faut recharger en permanence le feu avec de gros morceaux de bois, et pas seulement le soir, mais aussi la nuit,

    et j'en profite pour m'engager dans de longues séances de méditations nocturnes sur ce mystère qu'est le feu. Au point que son image s'inscrit en moi d'une façon de plus en plus déformée, que les couleurs elles-mêmes se transforment, deviennent comme irréelles, ce qui m'entraine dans un monde un peu délirant, et que je passe là une grande partie de la nuit comme un vrai drogué !

     

     

    - Charlotte 14 -

     

     

    J'ai parfois l'impression que les flammes deviennent un plante, qui se met à pousser autour de l'arbre ! Et même à fleurir.

    Je me dis alors que je ferais mieux d'aller me coucher  dans une ambiance qui mette mon psychisme moins à l'épreuve !

     

    Le feu... 

     

    Oh combien il nous est indispensable !

    Oui, Charlotte avait un briquet. Mais ensuite elle m'a montré combien il était facile de faire du feu, et selon plusieurs méthodes. La plus rapide étant la ficelle avec laquelle on fait tourner à toute vitesse une baguette de bois dans une cavité également en bois. Très vite de minuscules braises apparaissent, et il ne reste plus qu'à jeter dessus quelques fragments d'amadou. Or les bois qui peuvent acquérir la même structure que l'amadou sont multiples ici, à commencer par ce que l'on peut recueillir dans de vieilles noix de coco pourrissantes.

     

    La présence du feu nous était vitale, et faisant la cuisine toujours au même endroit, celui ci est vite devenu comme un lieu presque sacré. 

    De la cendre s'y accumule, et dans cette cendre des braises qui demeurent actives bien plus de 48 heures, si bien que maintenant nous n'allumons plus aucun feu : il nous suffit  d'écarter les cendres, de dégager quelques braises ( lesquelles sont aussi fidèles que les vestales romaines)  et de les couvrir de petits bois secs. La nuit nous protégeons le feu avec un morceau de la carlingue de l'avion, heureusement conservé.

     

     

     

    - Charlotte 14 -

     

    En ce lieu réside notre trésor ! 

    Il y avait même dans l'avion une vieille cocotte.

    Elle est chaque jour de service. 

     

     

    - Charlotte 14 -

     

     

     

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