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    L'ouragan est bien arrivé et il a rugi une bonne partie de la nuit. 

    Mais nous avions trouvé  un abri parfait : le vent qui se jetait sur l'entrée du tunnel tentait bien d'y rentrer mais se trouvait comme bloqué par lui-même et ses ronflements furieux restaient sans effet. Finalement il ne nous a même pas empêché de dormir. 

    A notre réveil, le vent était encore très fort, mais manifestement l'oeil du cyclone était passé assez loin de notre île et devait déjà s'éloigner vers le Nord, vers la Jamaïque sans doute, Cuba, et les Bahamas. N'était passée sur notre île qu'une brève tempête tropicale.

    Mais en sortant du tunnel, que de branches brisées, et de l'eau partout qui ruisselait encore.

     

     

     

    - Charlotte 10 -

     

     

     

    Le ciel était très bouleversé, surchargé de cumulus de toutes tailles, avec de nombreuses averses. Ce qu'en Europe nous appelons un "ciel de traîne".

    Il nous fallu attendre le milieu de la matinée avant de pouvoir nous éloigner de notre nouvelle demeure. 

     

     

    Notre première visite fut pour le lieu où nous avions rassemblé ce que nous avions sorti de la carlingue de l'avion. Les protections que nous avions aménagées avaient tenu le coup. Ce qui nous donnait du travail pour toute la journée : rapatrier tout ce matériel vers notre grotte providentielle ! 

    Mais de l'avion, plus la moindre trace. Les vagues dans leur furie avaient tout remporté. Le volume d'eau qui coulait dans notre ruisseau avait plus que doublé et elle semblait creuser le sable avec une belle ardeur. De nombreux poissons avaient été probablement projetés hors de son lit, ce qui annonçait le menu du jour : poisson et poisson ! 

    Mais connaissez-vous quelque chose de meilleur qu'un poisson grillé sur des braises ?

     

     

    Charlotte était ravie. Sa précieuse caisse de livres était intacte. Elle nous apprit qu'elle était bibliothécaire et employée par la bibliothèque Schoelcher à Fort de France. C'est à ce titre qu'elle visitait régulièrement toutes les îles françaises des Antilles. Les livres de la fameuse caisse devaient pour une part aller dans la bibliothèque de Marigot, capitale de Saint Martin pour sa partie française, mais aussi à Phillipsbourg, capitale de la partie hollandaise de cette même île. Et quelques autres devaient retourner à Fort de France.

     

    Elle rangea avec le plus grand soin tous ces livres dans la grotte/tunnel, qui devint ainsi une grotte-bibliothèque.

     

     

     

    - Charlotte 10 -

     

     

     

    Mais qu'allaient donc choisir de lire chacun des trois iliens ?

     

     

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    Aujourd'hui je voudrais vous parler du ciel des Antilles, en particulier  au moment du coucher de soleil. Car il est bien différent de celui que nous connaissons ici en Europe.

    Ici, sous nos latitudes européennes, le soleil se couche lentement, avec une sorte de solennité, de majesté. C'est un temps propice à la méditation. Parfois même le vent cesse, et les oiseaux arrêtent de chanter. Ce qui donne l'impression que la nature toute entière retient son souffle comme si elle s'associait  à ce moment grandiose.

     

    Aux Antilles, l'équateur étant beaucoup plus proche, le soleil semble tomber presque verticalement, d'une façon dramatique, ce qui provoque une sorte d'angoisse.  Le ciel s'enflamme dans la totalité de son étendue, mais pour bientôt s'obscurcir : c'est le moment de tout ranger autour de soi si l'on est dans la nature.   

     

    Charlotte, qui semblait vivre comme unie à la nature, n'avait montré, jusqu'ici, aucune crainte pour la nuit. Il n'en fut pas de même ce jour. Pourtant, pour nous, Sophie et moi, rien ne nous semblait inquiétant. Le ciel était même de toute beauté. Très haut dans le ciel des nuages très spéciaux, des cirrus, qui ressemblent à des mèches de cheveux,  à de fines torsades d'argent, toute effilochées, brillantes et comme irisées, ajoutaient une note de beauté supplémentaire.

    Mais justement, pour Charlotte, ces si jolis nuages avaient un tout autre sens. Ils se situent très haut dans le ciel, entre 8.000 et 10.000 mètres d'altitude, là où règnent des températures de moins 60 degrés, et ils sont constitués de cristaux de glace. Des vents violents les maintiennent en ces hauteurs et les poussent en avant. En fait ils annoncent l'arrivée d'une très forte perturbation pour le lendemain.      

    Aucun doute pour Charlotte : l'ouragan qui  était né au niveau de l'île de la Barbade, alors qu'ils allaient quitter l'île de Saint Thomas, était en train d'arriver. Il nous fallait donc prendre des précautions maximum pour la nuit prochaine, et nous trouver de toute urgence un solide abri pour la nuit. Et notre Arawak avait une idée !

    Elle nous entraina cette fois dès le matin vers l'extrémité Ouest de la plage, munis de nos nouveaux outils flamblant neuf : sécateurs, scie à main, machettes. La pénétration dans la végétation allait en être bien facilitée.

    Il nous fallut plusieurs heures avant de découvrir ce que nous cherchions : de la roche volcanique. Et très vite nous avons trouvé l'entrée d'une grotte, et bien plus qu'une grotte, mais d'une sorte de tunnel qui s'enfonçait dans la lave devenue roche. Ce genre de tunnel (dits "tunnels de lave") est assez fréquent dans ces îles. Il en existe par exemple sur l'île de Norman Island et c'est pourquoi Stevenson y avait situé son récit.

    Comment se forment ces grottes ? Ces tunnels ? Voici : du volcan sort un fleuve de lave très fluide. Ce fleuve finit par grossir. Mais ses parties extérieures, peu à peu, se refroidissent, et donc durcissent. Elles cessent alors de  couler. Par contre la lave qui se trouve à l'intérieur de la coulée, restant chaude donc fluide, continue elle à avancer, comme un liquide dans une canalisation. Puis, quand le volcan arrête de produire de la lave, celle qui est déjà dans cette sorte de canalisation continue simplement de s'écouler, et la canalisation se vide : ainsi se constitue une sorte de grotte très allongée, un énorme tube, qui peut faire une grande longueur, parfois plusieurs kilomètres.

    La grotte que nous venions de découvrir était modeste, mais faisait tout de même une cinquantaine de mètres de long. Cela allait être très suffisant pour y rentrer tout ce qui devait être mis à l'abri, et d'abord nous-même pour la nuit.

    Ce fut un long travail qui nous occupa pratiquement toute la journée.

    Vint le soir, et ce brusque coucher de soleil. 

    Ce jour là le ciel, non seulement s'embrasa, mais devint soudain très sombre, véritablement menaçant.

     

     

    - Charlotte 9 -

     

     

    Charlotte avait bien raison : l'ouragan arrivait.

    Comme il était rassurant de pouvoir se mettre à l'abri.

     

     

    Mais nous n'y étions pas seuls. Ayant allumé deux bougies pour nous repérer un peu, nous vîmes alors s'allumer une multitude de petits points lumineux accrochés à la voûte, allant toujours par deux.  

    Ce sont des "guimbos", nous dit Charlotte : " une espèce de petites chauves-souris, plus petites que des moineaux. leurs museaux sont très fins, ce qui les rend capables de pénétrer dans les fleurs,  chacun y trouvant son compte, les petits guimbos se gavant de nectar, et les fleurs poudrant la tête de l'animal de pollen, lequel sera transporté vers d'autres fleurs.

    Les guimbos, qui vivent dans des forêts humides, où ils restent tout le jour accrochés au plafond des grottes qu'ils y trouvent, ne quittent leur abri que la nuit venue, ce qui est fort bien réglé puisque les fleurs qu'ils visitent ne s'ouvrent elles-mêmes que la nuit.

    Mais ce soir elles n'avaient pas quitté les voûtes de leur grotte : elles avaient bien perçu la chute de la pression atmosphérique, et savaient donc qu'il ne fallait surtout pas mettre leurs petites ailes dehors !

    Sans doute étaient-elles un peu inquiètes de voir de nouveaux locataires dans leur chambre à coucher.

    Mais Charlotte leur promis que nous n'allions pas faire de bruit.

     

     

     

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    La première bonne nouvelle est que Sophie avait trouvé de l'eau douce en abondance ! Car c'est le problème dans beaucoup de petites îles : s'il  n'y a pas d'eau potable, impossible d'y vivre. 

    Or en explorant  l'extrémité Est de la plage, Sophie était tombée sur un ruisseau qui venait de l'intérieur de l'île et semblait couler d'une façon assez habituelle, car il avait même creusé dans son lit de nombreuses cuvettes d'une certaine profondeur, encombrées de rochers, et souvent encerclées par les racines des arbres ou arbustes qui poussaient en ce lieu.  Dans cette eau, parfaitement limpide, nageaient un grand nombre de poissons. 

     

     

    - Charlotte 8 -

     

     

    Ce ruisseau semblait donc régulier et sa présence semblait signifier que l'île était assez importante et pouvait accumuler des réserves d'eau à chaque pluies, fréquentes dans la région, et restituer cette eau sur un temps assez long.

    Mais si dans le ruisseau lui-même l'eau était douce, elle devenait de plus en plus salée en se rapprochant de la mer.

    Là où dominaient de nombreux rochers et de l'eau salée vivaient, avec les poissons de toutes formes et couleurs, de nombreuses  langoustes. L'absence de toute pêche, de tout prélèvement, expliquait sans doute l'abondance de tous ces animaux. Ce qui annonçait que poissons et langoustes allaient souvent être à notre menu !

     

     

    - Charlotte 8 -

     

     

    La seconde bonne nouvelle est qu'en allant un peu plus loin vers l'est, en dépassant la sorte de petit delta que construisait l'arrivée du ruisseau dans la mer, Charlotte et Sophie avaient découvert les débris de l'avion, sa carlingue essentiellement, laquelle semblait véritablement pleine d'objets, de boîtes, de caisses. Notre pilote devait avoir chargé son avion du maximum de bagages possible, plus peut-être que la prudence ne l'aurait conseillé, ce qui avait diminué la capacité de l'avion qui n'était tout de même qu'un petit Cessna.

     

    Aussi, ce jour là, l'une de nos principales occupations fut de  récupérer tout ce qui était transportable, de le ranger le plus loin possible de la mer.

    Nous n'avons pas examiné tout ce qui était enfermé dans les caisses, mais parfois nous avons tout de même jeté un coup d'oeil curieux à certaines, et deux d'entre elles nous firent très plaisir, une contenant du matériel pour la pêche, l'autre étant une boîte à outils bien fournie. Deux belles surprises !

    Et comme dans tout ce que nous avons trouvé se trouvaient aussi un rouleau de plastique, nous recouvrîmes  notre précieux trésor d'une couverture imperméable, qui fut très fortement fixée au sol. Et comme vous allez voir...  nous avons bien fait de prendre cette précaution.

     

    - Charlotte 8 -

    Première tentative de dessiner une carte de "notre" île. 

     

     

    Mais nous avions une autre grande urgence à satisfaire,

    et je vous expliquerai bientôt pourquoi.

    Vous voyez que se retrouver sur une île perdue n'est pas vraiment une occasion de se reposer !

     

     

     

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    Le lendemain matin, quand je me réveillais, j'étais seul. Les deux femmes étaient sans doute déjà parties à la découverte de l'île.

    Ce fut pour moi l'occasion de faire un bilan de la situation. 

    Dans quelle île nous trouvions-nous ?

    Probablement  un îlot situé un peu au Sud-Est de Norman Island, puisque nous avions aperçu cette île peu de temps avant que ne se produise le crash de notre avion. Un îlot certainement inhabité, comme le sont toutes les petites îles de la zone.

    Quelle était sa taille ? Etant couverte, semble-t-il, d'une végétation sauvage et très dense, son exploration n'allait pas être aisée.

    Et voilà, nous étions là sans aucun bagage. Les portables étaient perdus : aucun moyen donc d'appeler des secours.

     

    Oh comme je me sentais coupable d'avoir entrainé Sophie dans cette folle aventure ! Et je me suis surpris me répétant : " Mais pourquoi n'avons-nous pas attendu l'avion venant de Miami ? " Puis soudain je me suis rappelé les paroles de Géronte répétant lui aussi : " Mais qu'allait-il faire dans cette galère ? " Ce rapprochement inattendu me calma. Comme quoi il est encore utile de nos jours de lire Molière !

    N'empêche, j'étais sidéré de constater qu'une si petite décision pouvait avoir de telles conséquences. Faire un choix serait-il donc comme de jouer au casino ? Nous examinons les cartes qui sont dans nos mains. 

    Parfois nous avons la possibilité de dire "passe", et cela suffit pour nous donner l'impression d'être libres. Serait-ce une illusion ? 

    Cette incertitude est vertigineuse. Et elle règne depuis le début de notre vie, depuis notre conception. Le choix de l'ovule est plutôt limité. Mais pour les spermatozoïdes, ce sont des millions d'entre eux qui se précipitent. Lequel va être l'heureux élu ? Lequel va réussir à  pénétrer le premier dans le château fort ? Ou plutôt lequel sera repéré et capturé, puisqu'on pense maintenant que c'est sans doute l'ovule qui choisit le petit nageur qui lui semble le plus prometteur et se saisit de lui, ou au moins lui ouvre les portes ? 

    J'étais donc reparti dans mes élucubrations, lorsque je vis les deux femmes revenir, toujours depuis la partie orientale de la plage.

    Toutes deux portaient des sortes de sacs faits avec de grandes feuilles repliées,  et dedans étaient des fruits, que je ne reconnus pas d'emblée. C'était des fruits de l'arbre à pain, certains bien jaunes ( censés être mûrs ) et d'autres encore verts.

     

     

    - Charlotte 7 -

     

    D'un geste habile Charlotte ouvrit quelque fruits jaunes et nous les donna en nous disant : " Mangez, c'est bon ". Il y a quelques jours, je n'aurais peut-être pas trouvé cela très bon, mais là ... c'était tout à fait savoureux : un fruit farineux et légèrement sucré.

    Et déjà, pendant que Sophie et moi nous nous restaurions de ces fruits mûrs mais crus, Charlotte s'occupait de préparer un feu en rassemblant quelques brindilles et quelques écorces, qu'elle alluma aussitôt. Avait-elle un briquet ? Sans doute.

    Dès que le feu se mit à crépiter, elle y ajouta des morceaux de bois ramassés sur la plage, puis prit les fruits verts, les incisa en croix à chacune de leurs extrémités,  les mit sur le feu. Et sans jamais cesser de les surveiller, elle se mit à les tourner et retourner un peu comme une poule retourne avec soin les oeufs qu'elle couve.

    L'activité incessante de notre nouvelle amie Arawak me fascinait.

    Petit à petit les fruits devenaient noirs, comme carbonisés. Au bout de 20-30 minutes, elle les sortit, les laissa un peu refroidir, puis les prenant un à un, elle en retira l'écorce. Une fois cette coquille ôtée, un beau fruit tout blanc apparu. Elle le brisa et nous en donna les morceaux, nous disant à nouveau : " Prenez, et mangez-en, c'est bon".

    Oui, je vous le dis à nouveau, j'étais fasciné par la précision et la rapidité de ses gestes. Mais il faut que je vous en dise beaucoup plus !

     

    Dans ma jeunesse, et bien plus tard encore, j'étais "croyant". Et chaque fois que j'allais à la messe, je communiais avec une grande ferveur. Je mangeais ainsi le corps du Christ ressuscité. Et Jésus était lui-même Dieu. Ne vous moquez pas ! C'était une façon de nous approcher de cet immense mystère qui est caché dans le fait que "manger" des aliments nourrit notre corps, que ces aliments deviennent notre corps. Et, à défaut de nous donner la vie éternelle, nous font vivre chaque jour, ce qui n'est tout de même pas rien.

    Cette pulpe farineuse du fruit à pain était aussi tendre que la mie d'un pain de froment tout juste sorti du four d'un boulanger, avec un petit goût de pain au lait tout juste rehaussé d'un parfum de noisette. Un vrai délice ! Or Charlotte nous avait dit deux fois : "Prenez, mangez ...". Si bien que moi, je vivais en même temps deux réalités.

    Durant les années 80, j'ai passé, avec un groupe de chrétiens, un mois et demi en Israël et un soir nous fumes accueillis, en plein désert du Neguev, dans un kibboutz à Mitzpé Ramon, où nous allions dormir. Or le patron de ce kibboutz nous accueillit ainsi : il prit du pain et du vin,  prononça des paroles de consécration, et ce pain et ce vin nous furent distribués avec les mêmes paroles que celles du prêtre catholique. Je compris alors soudain que le mystère affirmé bruyamment dans notre religion la dépassait infiniment et n'était que l'expression d'un profond mystère touchant la vie même de chaque être humain.

    Ainsi ce que je vivais ce jour là avec Charlotte et Sophie était ...

    comme une répétition !

     

    Mais j'ai encore à vous dire tout ce que Charlotte nous a appris concernant l'arbre à pain : ses fruits ont été pendant de très nombreuses années l'un des deux aliments de base pour les polynésiens, l'autre étant le poisson. Vous m'avez bien lu : le fruit de l'arbre à pain, et non pas la noix de coco. Certes le cocotier fait maintenant partie du décor de toutes les îles des régions tropicales. Mais il y a seulement un siècle il en allait autrement. L'arbre à pain dominait encore. Il avait tenu pendant plus de 2000 ans, et avec un plein succès, la place d'un arbre providentiel, jouant le même rôle que le blé pour les pays du monde méditerranéen. 

     

    Sophie et Charlotte avaient encore deux bonnes nouvelles à m'annoncer. Devinez-vous lesquelles ? 

     

     

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    Quand je me suis "réveillé", ou plutôt suis "revenu à moi", ouvrant enfin les yeux, je vis une femme inconnue.

     

     

     

    - Charlotte 6 -

     

     

     

    Une femme à la peau très foncée, aux traits si particuliers, aux longs cheveux un peu crépus : certainement une amérindienne.

     

    Elle me soutenait la tête de sa main gauche, et de sa droite elle me donnait à boire, avec une sorte de coupe végétale, et par toutes petites quantités, un délicieux liquide, à la fois rafraichissant et parfumé, légèrement sucré.

    Il me semblait qu'avec ce liquide la vie revenait en moi.

     

    Mais sans doute mon visage exprimait-il un très grand étonnement car elle me dit alors, comme pour répondre à ma silencieuse interrogation : 

    " Je suis la personne qui voyageait avec vous et qui devait être déposée dans l'île de Saint Martin. Vous ne m'avez pas vue lorsque vous êtes montés dans l'avion car j'y avais déjà trouvé ma petite place. Oui, je suis une amérindienne, de la tribu des Arawaks. "

    "Je m'appelle Charlotte "

     

    Les Arawaks étaient une tribu amérindienne vivant à l'origine dans la forêt amazonienne, mais ils peuplaient toutes les Antilles à l'arrivée des Espagnols.

     

    Soudain une question sortit de moi :

    " Et mon amie Sophie, où est-elle ? "

    " Rassurez-vous, elle va bien, et va bientôt être là ".

     

    Je n'eus pas à attendre : elle arrivait depuis la partie orientale de la plage, et elle portait ... mais oui, elle portait une langouste, qu'elle déposa pour m'embrasser. Ô joie de se retrouver !

    Elle était en pleine forme. Ainsi ces deux femmes s'étaient  tirées de cette périlleuse situation bien mieux que moi. Leurs vêtements étaient secs, séchés certainement par la constante brise  qui soufflait sur nous de l'air chaud.

     

    Ce n'était pas moi qui m'étais porté à leur secours, mais exactement l'inverse. J'étais donc le seul à ressembler encore à un vrai naufragé !

     

    " Et le pilote, où est-il ? "

    Charlotte n'en avait pas vu la moindre trace.

    Un long silence s'en suivit.

     

    .........

     

    Ainsi tout était changé, bouleversé.

    Mais je sentais un monde se reconstruire autour de moi.

    Un monde nouveau, rempli de points d'interrogation.

     

    La langouste fut notre premier repas. 

    Avant de la sacrifier, Charlotte dit une prière, lui demanda pardon, et la remercia de bien vouloir nous servir de nourriture.

    Elle fut grillée sur des braises.

     

    Mais je ne sentais en moi aucune force, et n'ai pas d'autres souvenirs de cette journée, comment elle s'écoula. 

    J'ai sans doute dû dormir à nouveau.

     

    Quand je me réveillais la journée était bien avancée, car le ciel se teintait déjà de rose, puis d'orange, puis de rouge, et une nuit pleine d'étoiles s'installa à une vitesse étonnante.

     

    Je plongeais à nouveau dans le sommeil.

     

     

     

    ***

     

     


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