• - Charlotte 5 -

     

     

     

     

    Venant de vous raconter cette brusque et dramatique interruption  dans le déroulement de ce que nous avions choisi de faire, Sophie et moi, voici que me revient avec une force puissante ce qui s'était passé pour moi quand j'avais ... disons une quinzaine d'années. Je n'ai plus aucun repère pour être plus précis.

    Nous avions des amis à Niort, et ils m'invitaient de temps en temps à aller avec eux dans leur maison de campagne dans l'île d'Oléron. Cette petite maison se situait tout près du port de La Cotinière. Et comme j'avais souvent l'habitude de me promener (et de me baigner) seul dans cette île, un jour on me dit :  

    " Hier, il y a eu une tempête. Alors aujourd'hui, ne te baigne pas, car l'océan est encore nerveux."

    Hum ... 

     

    Le ciel était de toute beauté, balayé par toute une ribambelle de fins nuages, étirés comme des franges de dentelle. Le parfum des fleurs de la dune embaumait l'air d'un charme provoquant. La lumière elle-même semblait comme toute imprégnée de la douceur du Gulf Stream.

     

     

    - Charlotte 5 -

     

     

    Certes l'océan était encore balafré par de fines stries brillantes, ce qui correspondait à des déferlantes. Mais ce n'est pas cela qui pouvait m'arrêter longtemps, persuadé que j'étais alors de nager aussi bien qu'un dauphin. Je me mis donc à l'eau.

    Les premiers rouleaux étant franchis, l'océan était dans un état acceptable, et la baignade fut très agréable. Mais au bout d'un moment, la fatigue commençant à se faire sentir, je décidais de retourner sur la rive. C'était la sagesse, n'est-ce pas ?  Mais c'est alors que commencèrent les vraies difficultés.

    Traverser une déferlante en plongeant dedans est une chose. Mais en recevoir une sur la tête alors qu'on revient vers la rive en est une autre, car on se retrouve alors dans un édredon d'écume et il devient difficile de reprendre haleine avant l'arrivée de la vague suivante. Alors le coeur s'accélère, la fatigue s'accentue, et le doute s'installe.

    C'était pourtant le moment ou jamais de redoubler d'effort. Ce que je fis. Et je parvins ainsi, mètre par mètre, à me rapprocher du rivage. Jusqu'au moment où je sentis le sol du bout d'un de mes orteils. Sauvé me dis-je !  Pas si sûr, me répondit l'océan : je te tiens mieux que ce que tu crois.

    Et en effet en cet endroit la plage n'existait plus et la pente du sol était très abrupte. Je compris qu'un très fort courant longeait cette côte et m'emportait vers le sud, si bien que j'étais assez loin du point où je m'étais mis à l'eau. Ici les vagues se jetaient avec  violence sur le rebord de l'île, et quand le flux redescendait, il me remportait vers le large, et tout était à recommencer.

    Pire même. L'eau, dans son reflux, arrachait à la rive des galets lesquels venaient me frapper cruellement les tibias. La lutte était devenue très incertaine, et il en aurait fallu de fort peu à ce moment là pour qu'une défaillance ne se produise en moi et qu'ainsi la victoire ait été attribuée à l'océan. On aurait simplement retrouvé un cadavre, chose banale en vérité, et l'histoire se serait arrêtée là.

    La balance du destin pencha dans l'autre sens. Je réussis enfin à m'accrocher à la rive, à me hisser sur elle, et en rampant, à m'éloigner un peu de cette menaçante masse d'eau toujours en mouvement.

    Pour m'effondrer totalement et probablement sombrer dans l'inconscience. En suis-je sûr ? Et bien je dois le penser, car sinon, j'aurais essayé de me lever pour marcher vers le Nord, et en suivant ainsi la côte retrouver le point où j'étais descendu vers l'eau, une zone qui m'était familière et où j'avais déposé mes vêtements.

    Combien de temps suis-je resté inconscient ? 

    Je ne sais.

    Mais je comprends seulement maintenant pourquoi cela se passe ainsi. Je vous l'expliquerai.


  • Commentaires

    16
    JS
    Samedi 19 Mars 2022 à 09:55

    Wow, récit digne d'un roman Papette, on s'y croirait ! Ca devait être terrifiant j'imagine, on se sent tellement peu de chose dans ce genre de situation et contre les élements...

      • Samedi 19 Mars 2022 à 18:45

        Réponse à   JS  - - -

        On se rend compte à ce moment là qu'on est très peu de chose.

        Le problème est qu'après, en très peu de temps, on oublie !

    15
    Mercredi 16 Mars 2022 à 11:01

    ... bonjour Kasimir, retenu par une sciatique, je repond seulement maintenant, ton île paradisiaque me rappelle la plage  que j'ai connue dans mon enfance au bord de la mer Baltique. Ma mère nous avait creusé des sortes de Mulden dans lesquelles nous nous couchions et au-dessus dans ce magnifique ciel bleu, les bombardiers nous survoler tout comme tes deux oiseaux. Hier le ciel ici était couleur orange, une pluie du sable de Sahara.

    Belle journée à toi!

    Bisous

    Monika

      • Mercredi 16 Mars 2022 à 11:51

        Réponse à   Monika  - - -

        AÏE ! Une sciatique, ça fait mal. J'espère qu'elle va s'évacuer bien vite de ton corps.

        J'ai aussi des souvenirs des bombardiers qui passaient dans les hauts du ciel. C'était à la fois une perception inquiétante, mais aussi, pour mon esprit d'enfant un peu idiot et qui ne se rendait pas compte de la réalité, un motif de rêverie. Jamais je ne les voyais. Où allaient-ils ? En Angleterre ? Ce n'est qu'à la libération, que j'ai vu des bombardiers dans le ciel, tout près de moi, quand ils piquaient pour détruire des ponts ou attaquer des convois sur les routes. Alors là c'était le grand spectacle !

        Quant aux sables sahariens, chaque année cela se produit. Je me demande combien de tonnes sont ainsi transportées.

        Bisous pour toi Monika.

        Marche doucement.

         

    14
    Lenez o vent
    Mardi 15 Mars 2022 à 08:46

    Pinson, tu as vaincu les vagues et ton cerveau c'est mis au repos trop sollicité.

    Sur l'ile d' Oléron les natifs préviennent des dangers, la jeunesse en fait fi

    J'aime cette ile aux lumières douces et le port de la Cotinière si agréable.

    Merci pour le partage d'une page de ta vie

    Bisous Pinson

      • Mardi 15 Mars 2022 à 10:19

        Réponse à   Lenez o vent.  - - -

        Cette île aux lumières douces ....

        c'est exactement ce que je ressens. 

        Mais les lumières douces sont trompeuses : il faut tout de même se méfier de l'eau ! 

        bisous pour toi.

    13
    Lundi 14 Mars 2022 à 20:20

    Eh bien Mr K. tu l'as échappé belle et heureusement car tu me manquerais, même si à ce moment-là j'étais encore loin de te connaitre

      • Mardi 15 Mars 2022 à 10:14

        Réponse à   Simone  - - -

        Certes le monde aurait pu être autrement.

        Mais cela c'est tout à fait inimaginable. 

        Comme s'est curieux .... 

    12
    FAN
    Lundi 14 Mars 2022 à 17:09

    OHH Un ange te protégeais!!!!!!! Petite, j'adorais aussi plonger dans les vagues mais restait sur les bords!! Ah, nous aurions pu faire du surf!! autres temps autres moeurs!! Bisous Fan

      • Mardi 15 Mars 2022 à 10:09

        Réponse à   FAN  - - -

        Sans doute : un ange gardien bien fidèle.

        Le surf ? Oui, cela aurait pu être plus sage.

        Bisous pour toi.

    11
    Dimanche 13 Mars 2022 à 17:42

    Bonjour pinson,

    J'ai du retard mais j'ai bien lu tous tes articles qui sont toujours si bien illustrés par tes beaux dessins et si bien écrits. Si bien écrits que c'est comme si on y était, c'est passionnant.

    C'est une sacrée aventure, que de péripéties. Dans ton article précédent tu dis n'avoir pas été un bon élève mais tu as bien réussi quand même alors tu n'étais pas si mauvais que ça. Robinson Crusoé m'a faite rêver quand j'étais gamine. Je m'évadais quand je le pouvais en traversant un champ et au bout de ce champ coulait un p'tit ruisseau et je rêvais... Et encore aujourd'hui, il m'arrive de regarder le film de Robinson et de rêver...

    Oui, c'était la sagesse de revenir sur la rive mais ça aurait été aussi la sagesse d'écouter les conseils mais lorsque l'on est jeune on aime défier, on se croit indestructible et rien ne nous arrête. Quelle aventure et lutte avec l'océan. 

    Quelle douceur dans ton dessin et évasion pour moi.

    Des bisous d'amitié pinson pour te souhaiter une bonne fin de journée. Bisous à Danielle pour moi.

      • Dimanche 13 Mars 2022 à 18:08

        Réponse à   Moari jo  - - -

        Merci pour ton commentaire en ce dimanche.

        Le dimanche est une journée presque silencieuse ici.  Bien moins de passages qu'en semaine. Et même le samedi. 

        Alors te lire est un peu comme si je bavardais avec toi, comme si tu m'avais rendu visite. 

        Bonne soirée et bonne semaine, Mari jo.

        Bisous pour toi aussi.

         

        robert

         

    10
    Dimanche 13 Mars 2022 à 10:18

    C'est bien connu : tu n'en fais toujours qu'à ta tête et tu t'en sors toujours

    Continue !

      • Dimanche 13 Mars 2022 à 14:01

        Réponse à   LMPT73  - - -

        Je vais essayer de continuer le plus longtemps possible.  

        Ensuite... ce sera la grande aventure.

        Tchao !

    9
    Dimanche 13 Mars 2022 à 00:14
    Catherine D

    Quelle aventure ! l'instinct de survie est fort mais parfois il n'est pas suffisant...
    Toute cette eau, ça fait peur.
    La suite....
    Bon dimanche Pinson, bises

      • Dimanche 13 Mars 2022 à 13:58

        éponse à   Catherine D  - - -

        C'est ça le problème : l'instinct de survie ne suffit pas toujours. Alors peu à peu, mais comme à regret, notre attitude change. Pendant de nombreuses années j'ai pensé que l'eau était mon amie et que j'arriverais toujours à m'en tirer. Maintenant je sais que c'est faux     , alors comme toi, toute cette eau me fait peur!

        Bises du dimanche pour toi aussi, Catherine.

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