• - Conte : l'aiguille enfoncée dans la tête - 3 - Une grande sécheresse est arrivée -

     

    Conte : l'aiguille enfoncée dans la tête

    - 3 - Une grande sécheresse est arrivée -

     

     

     

     

     

    Commençons par relire, si vous le voulez bien,

    le début de ce conte.

     

     

    Un paysan avait trois fils.

    Il était très fier de ses deux fils aînés.Mais bien moins du dernier.

    Une grande sécheresse est arrivée dans le pays.

    Le paysan a dit à l'aîné : 

    « Il faut que tu partes, que tu fasses fortune, et alors tu reviendras. » 

    L'aîné a pris la route, a traversé la forêt. Il a rencontré une vieille femme.
    Son mouton était tombé dans le fossé. Elle n'arrivait pas à l'en faire sortir, et lui a dit : « Aide moi !

    - Je n'ai pas le temps, a répondu le garçon. 

    Débrouille-toi avec ton mouton, il sortira bien tout seul ! Moi je vais faire fortune ! » 

    La vieille a dit : 

    « Et bien, ça sera pareil pour toi, tu te débrouilleras bien tout seul ! »

    Le garçon est parti. Et il n'a rien trouvé, il n'a pas fait fortune, il est revenu à la maison sans rien.

    Le père a envoyé son deuxième fils, qui a lui aussi rencontré la vieille femme, 

    et tout s'est passé comme pour le premier.

    Le troisième fils a dit qu'il voulait partir à son tour. « Tu es trop jeune, et tu n'es capable de rien ! » 

    a dit le père.

     

     

    Que de pensées affluent en nous

    quand nous lisons ces quelques lignes.

    Elles prennent un relief tout particulier pour nous qui connaissons la suite.

    Mais avançons pas à pas.

     

     

    Un paysan avait trois fils.

    Il était très fier de ses deux fils aînés.

     

    Mais bien moins du dernier.

     

    Un paysan.

     

    Les contes sont nés dans un monde proche de la terre,

    véhiculés pendant des siècles, et beaucoup plus, uniquement par voie orale,

    autour d'un feu, ou devant une cheminée : temps propices à la méditation,

    à la profonde pénétration dans les esprits  des paroles prononcées.

    Rien à voir avec le gavage médiatique actuel,

    aux diarrhées verbales et imagières que déversent les télés

    qui noient les spectateurs sous un flot ininterrompu de paroles et d'images,

    spectateurs qui avalent tout sans mastiquer (on ne leur en laisse pas le temps),

    et ce jusqu'à la nausée, jusqu'à l'indigestion, jusqu'à l'intoxication.

     

     

     

    Un paysan avait trois fils.

     

    Trois : le chiffre magique : le sésame des contes.

    Tout de suite surgit la notion de propriété de la terre et de l'héritage dans une société patriarcale.

    Ce paysan avait peut-être aussi des filles, mais on n'en parle même pas.

    Elles font sans doute partie du bétail.

    Ne comptent que les fils, et tout d'abord l'aîné d'entre eux

    qui logiquement doit succéder au maître des lieux.

     

     

    Il était très fier de ses deux fils aînés.

    Mais bien moins du dernier.

     

    Et oui.

    Le second est important, car il peut arriver un accident au premier,

    mieux vaut disposer d'un remplaçant éventuel.

    L'orgueil et la fierté du père vont donc se concentrer sur ces deux là.

    Le troisième... bof....!

     

    De ce fait ce troisième, et c'est sa chance, va échapper  à l'emprise du père,

    à ses ambitions, à ses projets, à ses désirs de possession et de richesse.

    Le père le méprise : il n'est bon à rien.

    On peut imaginer que de ce fait ce troisième fils va être bien plus proche sa mère (dont on ne parle pas)

    et donc bien mieux bénéficier de sa tendresse, travailler avec elle, et tout naturellement l'aider.

    Il va aimer sa mère : son tout premier contact avec la sensibilité féminine.

     

     

     Une grande sécheresse est arrivée dans le pays.

     

     

    Une grande sécheresse ? 

    Si on prend cela au sens physique, météorologique, c'est assez simple.

     

    - Conte : l'aiguille enfoncée dans la tête - 3 - Un paysan avait trois fils -

     

    Mais notre conteur a peut-être autre chose dans sa pensée.

    Peut-être veut-il évoquer, métaphoriquement, une grande sécheresse des coeurs...

    simple hypothèse.

    D'ailleurs le thème de l'humide, de l'eau, de l'abondance de l'eau,

    va réapparaître ensuite, en lien direct avec la femme, avec l'amour de la femme.

    L'humide est le symbole de la femme, le sec celui de l'homme.

    Poursuivons.

     

     

    Le paysan a dit à l'aîné : 

    « Il faut que tu partes, que tu fasses fortune, et alors tu reviendras. » 

     

     

    Si notre conteur pense au fond de lui à une grande sécheresse des coeurs,

    ce père-paysan est lui bien loin de soupçonner cette interprétation !

    Il n'envoie pas son fils aîné chercher l'amour,

    ni même chercher une femme (comme il l'enverrait acheter une vache),

    mais pour qu'il fasse fortune ! On ne peut être plus clair.

     

     

    L'aîné a pris la route, a traversé la forêt. Il a rencontré une vieille femme.
    Son mouton était tombé dans le fossé. Elle n'arrivait pas à l'en faire sortir, et lui a dit :

    « Aide moi !

    - Je n'ai pas le temps, a répondu le garçon. 

    Débrouille-toi avec ton mouton, il sortira bien tout seul ! Moi je vais faire fortune ! » 

    La vieille a dit : « Et bien, ça sera pareil pour toi, tu te débrouilleras bien tout seul ! »

     

     

     

    Cette vieille femme n'est pas sa mère, mais c'est tout comme : elle en est l'image :

    une femme délaissée, ignorée, humiliée, jetée au fossé,

    et qui se débrouille comme elle peut pour survivre.

    Elle l'appelle :

     Aide moi !

    Appel pathétique ...

    qu'il rejette  avec mépris, un mépris qui est celui de son père pour sa mère !

    Débrouille-toi avec ton mouton ! 

     

     

     

     Pauvre femme.....

     

     

     

    - Conte : l'aiguille enfoncée dans la tête - 3 - Une grande sécheresse est arrivée -

     

     

     Pauvre femme... en apparence.

    Mais elle est bien plus lucide et intelligente que son mari

    et que ce fils qui en est comme le double,  eux qui n'ont qu'un but : faire fortune.

     

    C'est "pauvre garçon" qu'il faudrait dire...

    Pauvre garçon

    qui n'a pas en son coeur cet inestimable trésor qu'est l'amour d'une mère !

     

    Il reviendra sans rien, et le coeur toujours aussi sec.

    Le deuxième fils... tout pareil : il n'est qu'une photocopie du premier.

     

    Va venir le tour du troisième, du méprisé, du fils à sa maman,

    méprisé comme l'est sa mère :

     

    tu n'es capable de rien !

     

    Nous poursuivrons demain.

     

    Aux impatient(e)s qui pourraient trouver que je ne vais pas assez vite, je dirais :

    à quoi bon terminer le chemin au plus vite, en pressant le pas ?

     

    Si vous n'admirez pas les simples cailloux ou les petites fleurs

    qui sont là, sous vos pas, tout au long du chemin,

    où trouverez-vous votre satisfaction ?

     

     

    - Conte : l'aiguille enfoncée dans la tête - 3 - Une grande sécheresse est arrivée -

     

     

    Que croyez-vous qu'il y a "après" ?

     

    Le bout du chemin arrivera bien assez tôt.

    Ne nous pressons pas.

     

    Prenons le temps de réfléchir.

     

     

    ***

     

     

     

     

     

     

     

     


  • Commentaires

    11
    Lundi 2 Février 2015 à 09:55

    Pour Mari-JO d'Aquitaine

    "il va aimer sa mère" : la formule que j'ai utilisée est facile, et... bien imprécise.

    En pratique c'est tellement différent pour chacun de nous !

    Ah, la sincérité des sentiments... et l'attente du gain... que de sujets aux quels nous pouvons réfléchir.

    Bonne journée Mari JO, bises pour toi.

    10
    Mari jo
    Dimanche 1er Février 2015 à 20:47

     

     

     

     

     

     

    Bonjour gai pinson siphonné, 

     

     

     

    Il va aimer sa mère. Le verbe aimer souligné et la fin de ta phrase ‘son tout premier contact avec la sensibilité féminine’. Rien que cela est un très long débat car que se passe-t-il entre beaucoup de mères et leur fils ? Mais le débat n’est pas là.  

     

     

     

    J’ai lu et relu attentivement et je dois dire que tu as bien analysé ce conte. Que dire d’autre si ce n’est que ça me rappelle l’école où l’on nous apprenait à analyser nos poésies. 

     

     

     

    Il est vrai qu’à une époque l’ainé devait reprendre la suite. Les successions se… succédaient.  La mère n’avait que peu d’importance tout comme les filles. Mais les temps n’ont pas tant changé. Avant, il y avait un peu de sentiments, de la tendresse venant de la mère mais sans plus. Très peu ou pas de sentiment côté père. Bien qu’aujourd’hui, il ne faut pas se voiler la face, une grande majorité est fardée de faux sentiments. Rien que pour avoir le gain. Mais à l’époque le respect des parents existait. Qu’en est-il aujourd’hui… ?  

     

     

     

    Je dois avouer que si mon mari avait un frère, je me serai posé des questions car c’est fou tout ce que vous avez en commun. Comme vous vous ressemblez. 

     

     

     

    Une bonne soirée et bise à toi pinson déplumé.  

     

    Je ne comprends pas car sur mon brouillon la police est de la même grandeur et là, ça me commence ma première phrase très gros et mon écriture est toute petite sans compter encore cette fichue barre. Je ne comprends rien.

     

     

    9
    Samedi 31 Janvier 2015 à 18:12

    je suis tout à fait d'accord avec toi et je n'avais jamais décortiqué un conte de la sorte avec une telle réflexion

    8
    Vendredi 30 Janvier 2015 à 22:48

    Et moi je te lis à 22h30 et j'arrive d'une veillée littéraire de plus de 2 heures dans une librairie proche  .L'auteur est d'origine paysanne du Cantal et vit à Paris . Passionnant comme un conte !

    "Propriété du sol et des biens" , je n'en ai pas du tout la notion et ne l'aurai jamais pas plus que celle de maison de famille. Sûrement parce que mon père était métayer , puis fermier. Donc , jamais entendu cela dans mon enfance , ni adolescence. Mon frère a pu acheter la ferme , beaucoup plus tard. Donc , j'ai échappé aux histoires de succession. Je n'en tire ni gloire , ni tristesse : c'est comme ça!

    Mais j'ai su admirer les cailloux et les fleurs .

    Les deux premiers , je les considère comme des "pôv 'gârs"

    Bonne nuit .Bizatoi

    7
    Vendredi 30 Janvier 2015 à 15:22

    Parfait, patiente Hélène !

    Je ne suis pas comme toi en cage au 4me étage, mais je ne bouge guère plus pour autant

    c'est pourquoi j'ai apprécié la petite balade sur la plage que tu nous as proposée ce matin sur ton blog. 

    Nos ailes, c'est notre imagination qui nous les donne. Alors volons sans nous lasser !

     

    6
    hélène
    Vendredi 30 Janvier 2015 à 13:16

    Ne crois pas que j'ai de l'impatience lors d'une balade  dans un petit chemin, comme sur le Causse'la caussenade habite la vallée) si je le pouvais, je cueillerais  des petites fleurs, inconnues, mais j'en laisserai beaucoup, c'est la parure de ces chemins de terre bordés de pierres. Et puis j'admirerais les premièrs buissons roses, même les feuilles tendres des petits chênes..Hélas, je suis dans ma cage et ne puis que rêver et lire les belles histoires de Maitre Kass.


    Que ta journée soit ensoleillée, joyeuse dans ton petit paradis boisé.


    L.N.


     

    5
    Vendredi 30 Janvier 2015 à 11:55

    Réponse pour Rfl  (je t'imagine... parisien évidemment !)

    Et oui : c'est l'inestimable plaisir de la balade, qui est une contemplation en marche,

    une joie renouvelée à chaque virage du chemin.

    si l'on marche très vite pour arriver dans les plus brefs délais, c'est autre chose :

    c'est du sport ( j'ai horreur du sport de compétition et aucun goût pour le sport d'exercice)

    ou un simple trajet pour un autre but , exemple : passer un examen

    mais nous n'allons passer aucun examen : simplement, nous nous baladons... ici dans un conte.

    Bonne journée Rafael.

     

    Réponse pour gazou dans la montagne.

    Tu évoques ce que laisse entrevoir l'image du chemin, à savoir que notre balade aura un terme.

    Profitons... non, le mot n'est pas joli, plutôt, comme tu le dis, savourons chacun de nos pas, 

    le balancement souple et tranquille de la marche, quand nous marchons : miracle de l'équilibre sans cesse rétabli.

    Notre pensée de même est une marche qui peut nous procurer un plaisir assez comparable.

    Bonne journée aussi, gazou.

     

    Réponse pour LMPT 73

    Je ne connais pas cette chanson, mais ces seules 2 lignes donnent le ton : une joie partagée dans l'enfance,

    joie de la fraternité vécue, perdue (ils étaient !)

    et pourtant encore présente, vivante dans le coeur (leur chant emplit ma maison !)

    Ton comm souligne que des frères, ou des soeurs, peuvent entretenir de toutes autres relations entre eux

    que ce que l'on imagine dans ce conte : merci Dominique de cette judicieuse remarque.

     

    Réponse pour Danielle la Sudiste 

     Bonjour Danielle. Oui : privilèges de l'aîné (garçon), et coutumes pour les mariages,

    étaient donc déterminés pour assurer la propriété du sol et des biens ... C'est très curieux de réaliser cela !

    Les "intérêts" (matériels) passant bien avant les sentiments....des individus.

    Faut-il avoir reçu beaucoup (d'amour) pour être capable d'en donner ?

    Problème bien difficile , qu'il faudra reprendre. Tu évoques des enfants qui.... oui, certes,

    mais il est des sources d'amour bien menues et très discrètes qui peuvent avoir comblé de pur amour

    ces enfants qui... bon, sujet à reprendre !

    Bonnes balades sur les bords de ton étang marin, si extraordinaire, et bonne journée.

    Et gros bisous de pinson.

     

    4
    Danielle
    Vendredi 30 Janvier 2015 à 11:35

    Bonjour pinson, l'importance du fils ainé pour succéder à son père : elle a toujours existé surtout chez les paysans (et pas que). C'était logique, la propriété passait de père en fils, le bétail, les près, les vignobles éventuellement, bref la terre ! Le deuxième fils déjà était une... sécurité au cas où... mais ceux qui venaient après n'étaient pas considérés de la même façon. Quant aux filles elles étaient nées en étant destinées au taches ménagères, à seconder la mère, à élever les enfants qui naissaient ensuite. D'ailleurs les mariages avaient souvent lieu pour agrandir la propriété (oh comme c'est romantique), les intérêts ont souvent primé sur les sentiments, ah l'union... des terres ! L'importance de la femme passait bien après la possession des biens qu'elle pouvait représenter et souvent elle obéissait, elle se soumettait. D'ailleurs je parle au passé mais encore de nos jours... Alors les deux aînés qui ont subi l'emprise du père, ont-ils connu l'amour et la tendresse de la mère, le respect de la femme s'ils n'ont eu que l'exemple d'un père peut-être dur, exigeant envers eux... et envers sa femme ? Si le dernier fils a reçu cette tendresse et cet amour, il est prêt à le reporter sur une autre femme, à transmettre ce qu'il a reçu ? Je ne sais pas s'il faut recevoir pour donner à son tour (je parle de sentiments), je ne sais pas car je connais des enfants qui ont reçu très peu et ont donné beaucoup, ce n'est donc pas une généralité ! Bref, toujours très confuse, toujours très pressée, je ne relis même pas en espérant que je ne m'éloigne pas trop du sujet (mais tu sais que je prends toujours le temps d'admirer les arbres, les petites fleurs dans les chemins, l'étang et les oiseaux, toutes les beautés du monde). Gros bisous pinson, très bonne journée. Danielle

    3
    Vendredi 30 Janvier 2015 à 09:01

    il me vient en tête cette chanson de mon enfance

    Ils étaient trois garçons, 
    Leur chant, leur chant emplit ma maison, 

    Dominique

    2
    Vendredi 30 Janvier 2015 à 08:22

    Le bout du chemin arrive bien assez tôt,dis-tu...eh oui, pourquoi se presser?Il vaut mieux vivre le mouvement dans la tranquillité et savourer ce qu'aujourd'hui nous offre...Bonne journée Khaz !

    1
    Vendredi 30 Janvier 2015 à 08:16

    Bonjour,

    Et si on résumait. Ce n'est pas l'arrivée qui compte, mais le chemin parcouru...

    Bonne journée.

    P.S. j'adore le paragraphe du gavage médiatique - triste réalité hélas !

     

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